Voici ce que vous ignorez sur Marie-Louise Asseu, l’actrice de la série ivoirienne ” Faut pas fâcher
Le comédien de la célèbre série télévisée »Faut pas fâcher », Digbé Claver Simplice alias »Flêkê Flêkê », était au chevet de la comédienne, Marie-Louise Asseu, au moment où elle avait été internée à la clinique Indénié. Deux semaines après l’inhumation de l’actrice, à Afféry, ce proche de la comédienne nous a accordé une interview où il fait des révélations sur les derniers instants de sa collègue, évoque l’état de ses relations avec elle, non sans faire de confidences sur sa dernière production cinématographique.
Quand démarre votre passion pour les planches?
D’abord, c’est à l’école que tout a commencé. J’avais un grand-frère du nom de Momo Ekissi Eugène, à Tiassalé. C’est lui qui nous encadrait, et nous enseignait les rudiments du théâtre scolaire au lycée. Après, quand il est arrivé à l’Université, il a créé sa troupe. Il m’a demandé de venir jouer un rôle dans sa pièce « Masque et balafon ». Après, je suis venu à Yopougon. Par la suite, j’ai participé à Vacances culture. En 1995, c’étaient les débuts de la la compagnie »Djely Théâtre » de Kouya Gnépa alias Gbi de Fer. Je partais à la Riviera chez mon papa, quand Gbi de Fer m’a interpellé, en me disant qu’il me cherche depuis longtemps pour jouer un rôle d’humoriste. Je lui ai dit que je n’allais pas pouvoir réussir à jouer ce rôle car, j’excelle plutôt dans la tragédie.
Comment Gbi de Fer est-il arrivé à vous convaincre d’embarquer avec lui pour l’aventure du Djely Théâtre ?
En fait, il m’a rassuré parce qu’il connaissait mes qualités. Il m’a encouragé, en me disant que lui-même n’a pas de formation en humour. Et cela m’a motivé, et il m’a conseillé de lire »Le malade imaginaire » de Molière. Bref, nous avons répété dans la cour de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (Rti). Il y avait, en son temps, feu Djangoné Bi Goré Elvis dit »Kôkôrè », Gbi de Fer et Mary Brown que j’appelle ma maman, qui est l’épouse légitime de Kouya Gnépa. Nous avons décidé de nous donner des surnoms. Gbi de Fer m’a regardé, et il a dit » toi tu es trop mince, on va t’appeler »Flêkê Flêkê » (Ndlr: une personne qui est petite de forme dans l’argot ivoirien). C’est ainsi que j’ai gardé ce nom. Aujourd’hui, je dis grand merci à ce monsieur qui a fait de moi ce que je suis.
Une autre aventure passionnante, celle de »Dimanche passion » avec Barthélemy Inabo. Que retenez-vous de cette émission?
C’est vrai que l’émission est arrêtée, mais il faut reconnaître qu’elle a fait connaître de grands noms d’humoristes tels que Abbas, Kôrô Abou, Akoss et Digbeu Cravate. Quand tu vois Digbeu Cravate jouer, tu vois le jeu de Gbi de Fer, trait pour trait. C’est même lui qui lui a donné son surnom nom lorsque Barthélemy Inabo lui a demandé de monter une troupe appelée »La famille rouge », qui allait animer des sketchs, au cours de l’émission. »Dimanche passion » nous a apportés beaucoup. Et je dis merci à Barthélemy Inabo qui a eu le nez creux en créant cette émission.
Où en êtes-vous avec le projet de sortie de votre album?
On travaille sur le projet. J’ai décidé de faire un peu de slam. C’est vrai que je n’ai pas une belle voix, donc je fais des slams avec des textes bien élaborés par le grand-frère, Jean-Marc Foé, qui corrige mes textes. Je lui dit merci pour son soutien et l’encadrement.
L’année 2016 à été marquée par des morts en cascade dans les rangs des artistes. Malheureusement, elle a arraché aussi à l’affection des siens, la comédienne Marie-Louise Asseu. Comment l’avez-vous connue ?
Notre première rencontre remonte à plus de 20 ans en arrière. C’était du temps où elle faisait du théâtre. D’abord avec Diallo Ticouai Vincent dans sa troupe »Le soleil de Cocody ». Puis, elle est venue à Yopougon où elle était avec Assandé Fargas. Notre rencontre remonte à une longue date. C’est une grande sœur que j’admirais bien. Au départ, je ne jouais pas dans la série télévisée »Faut pas fâcher » où elle était déjà. J’ai été encouragé par Epokou Naka Joseph, pour postuler dans la série. C’est donc après mon admission, que j’ai travaillé avec un monsieur comme Guédéba Martin qui m’a appris à écrire les textes et les mises en scène. Puis, Marie-Louise Asseu que je connaissais auparavant, et comme j’étais beaucoup proche d’elle, m’a donné des conseils pour mieux orienter ma carrière. Elle me disait ce que je devais faire, et ce que je ne devais pas faire. Ça m’a beaucoup aidé. Elle avait son festival qu ‘elle appelait »Nistrou nouveau ». Mais avant, elle avait créé le festival Ymalé, à travers sa structure Ymalé production, et sa compagnie Ymalé théâtre. Faute de moyens, le festival n’a pas réussi.
Face à l’échec du festival, que lui avez-vous conseillé ?
Je lui ai suggéré de délocaliser le festival chez elle à Adzopé, à cause de l’investissement trop lourd. Car, on faisait les choses sur fonds propres. C’est ainsi qu’on a commencé à s’organiser tout doucement. Elle s’est approchée de plusieurs personnes et structures telles que Aimas qui était même son sponsor officiel. On avait calé les dates du festival, du 9 au 11 décembre 2016. C’est ainsi qu’on a continué à préparer le festival en cherchant des partenaires et des sponsors. Je rédigeais même ses courriers, et j’effectuais les voyages à Adzopé où j’avais déjà rencontré le directeur général de la culture de la région. J’ai rencontré les cadres et les responsables qui s’y trouvaient, tels que M. Kiniboua, une femme dynamique du nom de Mme Fofana que je salue au passage, et Mme Magnissan, la directrice de cabinet du préfet de région.
Qu’est-ce qui coinçait au niveau des préparatifs du festival ?
Rien de particulier. Seulement que j’ai eu quelques contraintes. Parce que j’étais, malheureusement, à un spectacle avec le »Djéli théâtre » à San-Pédro du 4 au 5 novembre, quand elle m’appelait chaque jour pour me dire de rentrer sur Abidjan afin qu’on organise son festival qui approchait à grand pas. Elle me disait »on est en novembre, et le festival est en décembre, tu fais quoi à San-Pédro ? ». Le 14 novembre, je devais jouer à nouveau. Et quand elle a constaté que je ne venais pas, et que je ne décrochais pas ses appels, elle a appelé Bohui Martial (Un comédien de »Faut pas fâcher »), pour qu’il me dise de rentrer à Abidjan. Je n’ai pas pu rentrer le 14 novembre. Mais dès que je suis rentré, je suis passé immédiatement chez elle. On m’a dit qu’elle n’était pas là. Ça m’a étonné. Lorsque je demandais à ses proches, ils ne me disaient rien de ce qui se passait. J’ai donc décidé de la rappeler. Elle n’a pas décroché malgré mon insistance. J’ai donc commencé à avoir des inquiétudes.
A quoi avez-vous pensé lorsqu’elle ne décrochait plus son téléphone ?
Je me disais qu’il devait y avoir un problème. Je suis donc passé voir sa tante maternelle, Tantie Clémence, qui était beaucoup proche d’elle, qui est même sa complice. Je lui ai dit que j’apprends par ci et par là, que ma grande sœur est dans le coma. Elle a essayé de me rassurer en disant que ce n’était pas le cas, mais qu’elle était en séance de réanimation. Quand Marie-Louise s’est réveillée, elle m’a appelé de son portable. J’ai même encore les traces de son appel dans mon téléphone portable (Il s’empresse de nous les montrer). Elle m’a demandé » tu es où, »? Je lui ai répondu »toi aussi tu es où ? ». Et c’est là, qu’elle m’a dit quelle se trouve à l’hôpital. Elle m’a donc dit de venir la voir, mais qu’on n’allait pas me laisser venir la voir. Elle m’a donc conseillé de me cacher et d’éviter que quelqu’une dont je tairais le nom, ne me voie. Car, elle était convaincue qu’on allait m’empêcher de la voir.
Avez-vous réussi à la voir après sa réanimation en clinique ?
Oui. Et dès qu’elle m’a vu, elle a commencé à se plaindre. Elle me reprochait mon absence à ses côtés, alors que le »Layè Festival » approchait à grands pas. Je lui ai demandé de se calmer. Mais quand j’ai vu son état de santé, j’ai appelé Kiniboua qui est un responsable culturel à Adzopé, pour qu’on reporte la date du festival. Il m’a demandé les raisons qui motivaient ce report. Je n’ai pas voulu lui en dire plus sur la situation de Marie-Louise. Il leur était difficile de lui parler. Car, les médecins avaient écrit sur sa porte »interdit de visite ».Quand les gens disent que sa famille refusaient qu’on la voie, ce n’était pas vrai. Elle nous a demandé de composer les numéros de Mme Vieira, Directrice du Burida, et sa collègue Dent de Man.
Pourquoi a-t-elle voulu parler particulièrement à ces deux personnes-là ?
Elle m’a simplement dit qu’elle voulait les appeler pour leur faire une surprise. Ça m’a inquiété, et j’ai dit à sa tante Clémence de lui arracher le téléphone. On lui a demandé de se reposer. C’était un jeudi, et le lendemain vendredi, je suis revenu à l’hôpital où elle et moi, nous nous sommes promenés un peu. Elle était dans un fauteuil roulant. Je me suis dit : »si elle a pu se promener un peu, c’est que sa santé commence à s’améliorer ». Le médecin avait même décidé de nous libérer le 10 décembre. J’arrive donc le samedi qui a suivi notre promenade, sa tante me dit qu’elle a fait 41 degrés de fièvre. Elle l’a donc massée avec de la glace, afin qu’elle se réveille. Étant donné que je devais aller en voyage, le lundi matin, j’appelle, on me dit qu’elle est en réanimation. Je rappelle le soir, on me reçoit avec des pleurs annonçant son décès. C’est pourquoi, quand vous entendez mes slams, ce sont des lamentations, des cris du coeur. Sa mort me fait mal encore aujourd’hui.
Quel était l’état des relations entre Marie-Louise et vous ?
C’était une relation de grande sœur et petit-frère. Ce n’était pas une affaire de collègues. C’était plus que cela. La preuve, elle me confiait les lourdes charges de l’organisation des funérailles de son papa. Quand elle m’a annoncé le décès de celui-ci, elle m’a appelé, et ma dit : »tu sais, ton papa est décédé. Allons on va l’enterrer ». Elle m’a confié cette mission, et nous l’avions réalisée ensemble.
Dans les derniers instants de Marie-Louise, quelles sont les confidences qu’elle vous a faites?
Elle me disait que nous allions organiser, à tous les coups, le festival Layè. Même quand je voyais Marie-Louise nous exhorter un peu, mes larmes coulaient. Elle me disait sur son lit d’hôpital »pourquoi tu pleurs? On va faire le Layè. Et nous allons faire d’autres productions ensemble ». Elle m’a remis le cachet de Ymalé production pour que je fasse les courriers, afin de les déposer dans les structures. On était vraiment lié.
Dans le dernier tournage de la série »Faut pas fâcher », intitulé »l’héritage » qui passe actuellement sur Rti1, présentait-elle des signes de fatigue ou de maladie?
Oui, au dernier tournage, on sentait que Marie-Louise était un peu fatiguée. La preuve, elle a une dernière production avec moi qu’on appelle »Beau gosse ». C’est une série produite par Ymalé Production, qui contient 30 épisodes, terminée qu’on devait déposer. Lorsque je suis passé à l’hôpital pour lui dire qu’on a fini le montage, elle m’a remis son téléphone pour qu’on appelle ceux à qui on doit remettre le film. Vous voyez, on sentait qu’elle voulait travailler. Mais elle était fatiguée. Un jour, je l’ai appelée, elle m’a reproché le fait que je ne sois pas à côté d’elle, pour faire les courses. Donc, elle était obligée de les faire elle-même. Je lui ai donc demandé de me laisser faire toutes les courses car, elle devait se reposer. Après son réveil du coma, elle donnait des instructions comme si elle n’avait rien eu. Elle a même appelé Jean Noël Bah, son partenaire de production, pour finir une séquence de film. C’était vraiment une battante. Elle a lutté pour survivre. Je crois que si elle savait qu’elle allait mourir, elle n’allait pas lutter de la sorte.
De quoi est-elle réellement morte? D’aucuns parlent de fatigue, de méningite et bien d’autres maladies…
Les médecins ont dit qu’elle est morte d’accident cardio-vasculaire (Avc). Mais je doute fort. Pour ce que je sais, quand on dit Avc, c’est qu’on est paralysé. Mais ce n’était pas le cas avec elle. Elle n’était pas paralysée. Elle faisait tous les mouvements possibles avec l’aide, bien sûr, des infirmières. Je m’en tiens donc à la version des médecins qui ont dit qu’elle est morte à la suite d’un Avc.
Comment entrevoyez-vous l’avenir de »Faut pas fâcher » sans Marie-Louise?
Ce sera difficile. C’est vrai qu’il y a Adrienne Koutouan, Fanta Coulibaly et Awa Koné. Je sais qu’elles sont talentueuses. Mais est-ce qu’elles peuvent faire la réplique d’Adrienne ? Chacune a son personnage. Quand Adrienne campe un personnage dans une famille, et que Marie-Louise joue un autre personnage dans une autre famille, on sent le clash. Vous voyez que la réplique d’Adrienne donne un vrai clash. Vous avez vu le dernier tournage, où on parlait d’un monsieur jaloux qui vivait dans un immeuble, qu’elle a tourné ? C’était superbe. Comme les artistes se transcendent, on peut espérer qu’on pourra combler ce vide là.
Un dernier mot au terme de l’inhumation de Marie-Louise Asseu ?
Je voudrais dire merci aux artistes, à ses amies, à ses frères et grandes sœurs Dan log, Dent de Man, Acho weyer, Adrienne Koutouan et toute l’équipe de »Faut pas fâcher ». Ils sont restés avec elle jusqu’à son dernier clap, comme on le dit dans notre milieu. Je remercie la directrice du Burida et tout son personnel. Je dis infiniment merci au ministre Patrick Achi, à toute la population d’Adzopé et d’Affery, à l’association dirigée par Mme Fofana à Adzopé. Cette dame était véritablement sa camarade. La preuve, quelques heures avant son décès, elle m’a appelé pour me dire »je vois Marie-Louise en face de moi ». Je lui ai dit qu’elle voulait rire avec moi. A 19h, on m’annonce son décès.